Oeuvres complètes. Tome IV. Correspondance 1662-1663
(1891)–Christiaan HuygensNo 993.
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depuis le matin iusques à Minuit, Je ne me vois guere seul. Et si d'aduenture Je trouue un moment le iour de loisir alors il me manque ou quelque chose que Je doibs auoir deuant que de me mettre a escrire, (comme des papiers que J'attends dun costé ou d'autre) ou bien ayant presté vos lettres on ne me les a pas rendues lors que J'en ay besoin, pour y faire response. Mais maintenant Je me suis auisé de commencer à vous escrire 4. Jours deuant que lordinaire parte, afin de pouuoir, d'une facon ou d'autre, dérober tantost un moment, tantost un autre, pour ne point manquer à vous dire quelque chose sur chaque point de chacune de vos lettres, ayant en mon pouuoir à present les papiers que Je faisois estat de vous enuoyer. Mais quand Je regarde vos lettres Je trouue que J'en ay 5. deuant moy pour lesquelles vous deuez attendre un volume entier, pour le moins. Celle qui m'a esté rendue la premiere est datée le 3. de Feurier1). les autres du 102) du 17.3) et du 24.4) Et la derniere5) qui m'a esté rendue ce matin par Monsieur Southwell, est du 4. Janvier. Je fais estat de les parcourir toutes, selon leur dates, seulement Je laisseray celle du 4. Januier la derniere. Vous iugerez par cette preface que Je ne m'epargne pas en vous escriuant, puisque Je dis si peu de chose en une grande page, et vous trouuerez aussi que Je ne crains pas que vous vous plaigniez de la longueur, non plus que du peu de diuertissement que vous receuez en la lecture de ma lettre. J'estois en peine de Monsieur Harel6) iusqu'a ce que je sçeu qu'il vous a rendu cette autre Copie du Chymiste Sceptique7). Mais en lisant vostre lettre Je me suis resiouy d'y apprendre que vous vous estiez remis d'une indisposition qui vous auoit tenu si longtemps. J'ay fait voir a Monsieur Wren ce que vous dites du plaiur que vous eustes en lisant son Systeme8) que Je vous auois enuoyé sans le consulter. Jl croyoit vous en auoir dit assez lors que vous estiez icy. Mais vous auez bien veu la raison pourquoy il ne se faisoit pas feste de vous en discourir amplement, par la lettre9) quil escriuit à Monsieur Neile. Je vous enuoye icy un billet10) que m'a escrit Monsieur Boile, par lequel vous verrez que nous auons bien parlé de cette experience si surprenante et jollie, dont vous dites n'auoir point encore trouué de raison qui vous satisfasse. Vous y verrez qu'il ne se haste pas, non plus que vous, | |
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à en determiner la cause iusqu'a ce qu'il en fasse des nouueaux experiments. Jl s'arreste premierement a la matiere du fait. la precaution qu'il conseille, pour sçauoir, si l'Air est estendu à un mesme degré, en differentes operations, est considerable, et il semble estre à propos de l'obseruer, ou par les moyens qu'il propose, ou par d'autres qui ne vous seront point dificiles à inuenter, ainsi il n'y restera plus de scrupule pource qui est du fait. Je serois aise pourtant que vous fissiez cet experiment dans les Tubes plus longs. Toutesfois quant à moy J'ay grande enuie de croire que cette experience reussira tousiours de mesme, et ainsi, que celle dont vous nous informez a esté deuement faite. seulement si l'Air n'est point bien tiré de l'eau au prealable, il y peut arriuer ce que vous auez marqué de l'ascente de quelque petites bullules, principalement si l'air n'est point tiré aussi bien de cette eau dans laquelle le bout d'embas du Tube est mise, comme de celle qui est dans le Tube, a laquelle l'autre peut, ce me semble, communiquer quelque petite particule de l'air qu'elle contient. Mais quelque enuie que J'aye de me laisser aller à quelque coniecture de la raison de ce phenomene sans attendre d'autres experiences, jugeant les vostres suffisantes, Je veux pourtant m'en empescher aussi bien que vous autres, iusques a ce que vous ou luy en ayiez fait d'autres. au reste vous nous auez preuenu en faisant cet experiment. nous y auions pensé il y a quelque temps et depuis la receipte de vostre lettre, nous en auons chargé11) Monsieur Goddard12) et Monsieur Rook13). Mais nostre Machine estant moins adiustée que la vostre on n'y a rien fait encore qui vaille. Je ne crois pas qu'il soit necessaire de vous prier de continuer à examiner cette chose au fonds, pendant que nostre Machine n'est pas en estat: mais Je vous recommanderay la repetition de cette mesme experience dans d'autres liqueurs que de l'eau: comme du laict, de l'eau de vie, l'esprit de vitriol, et autres eaux et esprits distillez, huile de Tartre, & autres huiles: mesme dans du mercure: duquel s'il se peut tirer de l'air par le mesme moyen que vous le tirez de l'eau, peut estre trouuerez vous aussi de la difference dans sa descente, aussi bien que dans celle de l'eau. Mais en tout cas pendant que vous faites ces experiences, songez tousiours au moyen d'estre asseuré que le degré de l'attenuation ou extension de l'air dans le vaisseau, soit egal. Jl me vient maintenant en la pensee de vous informer d'une experience faite par Monsieur Boile, et d'autres, dont il ne me souuient pas vous auoir parlé auparauant. C'est que prennant un Tube de verre de la figure icy descritte dont le bout d'enbas soit seelé her- | |
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Tout ce que J'ay a vous dire d'auantage sur la vostre du 3. Feuvrier est, que Monsieur Neile est bien satisfait, comme aussi tous nous autres, que Monsieur Heuelius va mettre au iour ces deux traittez14). Je m'en vay maintenant à la seconde. Mais en regardant ma monstre Je trouue qu'il est desia si tard que Je n'auray peut estre pas 5. heures pour me reposer; estant demain un iour de Nauigation en laquelle il faut accompagner Sa Maiesté, de sorte qu'il faut remettre cette tasche à une autre fois. |
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